Dimanche 07 octobre se jouait la fermeture de la pêche en première catégorie. Après une longue période de sécheresse, une pluviométrie très faible depuis plus de 3 mois, et mon emploi du temps bouleversé par les conditions hydrologiques, il pleuvra la dernière matinée de cette saison de pêche. Soulagement pour le pêcheur qui chaque année voit ses rivières souffrir d'un manque d'eau indéniable pendant l'été, et de nos jours, jusque l'automne...
Mais les sols à sec (drainage, perte de zone humide, monoculture et agriculture intensive) et les nappes phréatiques en manque, faits indéniables de la longue saison de sécheresse mais aussi de l'impact de l'homme sur la ressource en eau (eau potable, agriculture, arrosage, ménage...) n'auront pas permis à ces quelques gouttes de pluie de faire monter les niveaux d'eaux superficielles dans les rivières influencées directement par ceux des nappes d'accompagnement (eaux souterraines). Le niveau de la rivière est donc resté stable et la température correcte grâce à l'arrivée des nuits pluies fraiches de septembre.
Finalement la pluie cessa en début d'après-midi. Les conditions devinrent intéressantes et propices aux émergences à la surface de l'eau de ces invertébrés aquatiques en petites bêtes volantes que l'on nomme "mouches". Les truites fario ne tardent généralement pas à profiter de ce garde-manger en dérive à la surface de l'eau. L'intuition était bonne. Arrivé sur les berges, les insectes s'envolent et les truites en profitent. J'aperçois un premier petit rond sur l'eau, tout près de la berge et sous un aulne en fin de lisse : signe d'une belle truite en poste qui gobe avec la plus grande discrétion les petites éphémères... petites olives et éphemerella sont présentes et happées au passage.
Par expérience, j'observe la scène pour faire le bon choix de la mouche et minimiser le nombre de présentations que je vais lui proposer et m'assurer de ne pas l'effrayer. Les eaux sont basses, et la truite est postée juste sous la surface. Au premier passage de mon imitation, la truite s'intéresse et approche la gueule sous la mouche mais finie par battre en retraite après le "draguage" ("to drag" en anglais) induit par le courant sur ma mouche. Je me positionne différemment pour retarder au maximum ce dernier et c'est au deuxième passage que la truite s'élève sur ma mouche pour finir par la gober discrètement. Les eaux sont basses et malgré les températures, je ne fais pas tarder le combat pour la relâcher rapidement dans les meilleures conditions.
Quelle joie de faire la rencontre de ces poissons sauvages avant la fermeture car ils nous assurent leur présence sur les frayères pendant l'hiver et une descendance pour la population autochtone. Ce que j'ai sous les yeux est de toute beauté, une beauté inestimable, ce poisson est né dans la rivière il y a quelques années sans le soutien de l'homme et fait aujourd'hui une taille qui lui permettra de pondre des milliers d'oeufs de progénitures, pour assurer la vie. Et pourtant, son milieu est fragile, très vulnérable à nos dégradations. La plupart des affluents connaissent aujourd'hui des assecs qui ne sont pas le fruit du hasard, ou de faits normaux, ils sont chaque année plus importants et destructeurs, et nous connaissons les raisons de ces maux avec, en plus, les moyens d'y remédier... En tout cas dans une certaine mesure.
Aujourd'hui, l'arrêté de sécheresse est en vigueur dans la plupart des département de France avec des situation d'alerte renforcée ou en crise, mais qui s'en informe ? Est-ce que nos communes communiquent sur cet état de catastrophe ? Font-elles, elles-mêmes, des efforts pour y remédier ? Certaines, probablement, mais les faits démontrent que chaque année, la situation s'aggrave et sous nos yeux de passionnés, ce que nous avons vécu de plus beau s'essouffle et fane peu à peu...avec une tristesse sans égal. Faut-il rappeler que l'eau, c'est la vie, et que cette situation n'est pas le fait ou la cause d'une seule problématique, mais d'une situation systémique dont certains paramètres peuvent être largement améliorés par nos actions, mais aussi et surtout nos modes de vie et de consommation. Soyons acteurs de nos territoires, témoins de ces situations et volontaires pour tenter d'y remédier, car demain l'eau pourra bel et bien disparaitre sous nos yeux, avec l'amertume de n'avoir rien tenté pour la préserver.